lundi 9 avril 2012

L'Eglise de demain

Au courrier des lecteurs de la Croix,

J’ai été surpris par la tonalité du discours du pape Benoît 16 à l’occasion du Jeudi-Saint (voir la Croix du 6 avril 2012). L’ambiance de cette célébration nous porte vers une contemplation du Christ serviteur. Les extraits des paroles du pape semblent engager une polémique en réponse à la démarche des prêtres autrichiens favorables à l’ordination des femmes. Benoît 16 a-t-il pris le temps de les écouter et de dialoguer avec eux avant de leur répondre en reprenant à son compte les paroles de son prédécesseur, au sujet de l’ordination des femmes, qui a déclaré « de manière irrévocable que l’Eglise, à cet égard, n’a reçu aucune autorisation de la part du Seigneur. »

Sur quels arguments historiques ou théologiques est basée une telle affirmation ? Comment un homme seul peut-il prendre une décision « irrévocable » qui engage l’avenir ? Les synodes diocésains et les assemblées de chrétiens ont-ils été entendus à ce sujet, car l’Esprit-Saint s’exprime aussi à travers les chrétiens rassemblés ? La collégialité épiscopale, remise en valeur à Vatican 2, a-t-elle jouée son rôle ? La mission de Jésus n’a pas été de donner des « autorisations » mais d’annoncer l’amour du Père et de nous inviter à y répondre. Ce n’est pas lui qui a organisé l’Eglise naissante. Il a laissé cette responsabilité à Pierre et aux apôtres. Si les femmes n’étaient pas autour de la table le Jeudi-Saint, elles étaient bien présentes tout au long de la vie de Jésus, au cours de la passion et au matin de la résurrection, avec la mission d’aller annoncer la bonne nouvelle. Qu’est ce qui est le plus important : faire parler Jésus sur des sujets qui n’étaient pas d’actualité à son époque ou bien de se demander : de quels ministres l’Eglise a besoin, aujourd’hui, pour assurer l’annonce de l’Evangile et la célébration des sacrements ? Dans ce domaine, les protestants ont une autre pratique que nous et on ne peut pas dire qu’ils sont moins fidèles à l’Evangile. Sans être un spécialiste, je me demande s’il n’y a pas, dans cette décision « irrévocable », une confusion entre ce qui est de l’ordre du contenu de la foi, qui est immuable, et les règles disciplinaires pour organiser la vie de l’Eglise, qui peuvent évoluer au cours des siècles, comme cela s’est déjà fait ? Dans le contexte d’aujourd’hui, au nom de quoi, au nom de qui les femmes ne pourraient pas avoir accès aux mêmes responsabilités que les hommes ? Une telle initiative mettait surement du temps à se mettre en place, mais à long terme cela donnerait le visage d’un ministère sacerdotal plus humain, plus proche de la vie des gens, parce que partagé par les hommes et par les femmes insérés dans la société et le visage d’une Eglise plus jeune, plus ouverte à la vie d’aujourd’hui. L’Eglise n’est pas un musée de pratiques anciennes et de valeurs morales mais une famille qui prend les moyens de donner accès, au plus grand nombre, à l’Evangile et aux sacrements.

Georges Limousin