mercredi 11 janvier 2012

Bilan de la rencontre "un travail oui mais à quel prix?

Compte-rendu du projet d’équipe des 2 Rives.

Comment est né le projet ? De quelle manière s’est-il déroulé ?

Après de nombreux échanges en équipe sur nos conditions de travail, les évolutions de celles-ci au fil du temps nous ont amenés à penser que ce sujet pouvait rassembler. En mai dernier, nous avons décidé d’ouvrir le débat à toute personne en ACO et même hors mouvement. Le sujet choisi : avoir un boulot, à quel prix ?

La semaine suivante, nous recevions le « Parlons-en » avec Témoignage et cela nous a confirmé que notre idée était bien en lien avec celles du mouvement.

Nous avons sollicité diverses personnes dans 3 tranches d’âges que nous avons définies, à savoir les 18-30 ans, les 30-60 ans et les + de 60 ans, à travers des questions ciblées en équipe.

Chacun devait, à travers son témoignage répondre à ces questions :

- Pour les 18-30 ans : Un boulot, j’en ai un ou pas. Comment j’ai trouvé mon 1er boulot ? Quelles sont mes conditions de travail ? Comment je le vis ?

- Pour les 30-60 : Un boulot j’en ai un ou pas. Depuis quand j’y suis ? Quelles évolutions de mes conditions de travail je vis ou j’ai vécu ?

- Pour les + de 60 ans : Quel boulot j’ai occupé ? Comment je l’ai vécu ? Quelles ont été les évolutions de mes conditions de travail ? Nos enfants ont-ils le travail que l’on a rêvé pour eux ?

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La date fixée était le samedi 5 novembre de 15h à 18h.

15 participants toutes tranches d’âge confondues.

6 témoins : Hugo, 21 ans, agent de maintenance industrielle en intérim à Rennes ; Catherine, 57 ans, agent de Pôle Emploi à Trignac ; Pascal, 48 ans, chauffeur Poids lourds à Donges ; Thérèse, pour les + de 60 ans, agent de service à domicile et en maison de retraite ; Michel, pour les + de 60 ans, pour l’aérospaciale ; Joseph, pour les + de 60 ans, pour les Chantiers navals.

Après lecture et petits échanges sur les témoignages, nous avons fait un « brainstorming » (tempête de cerveaux) sur le mot TRAVAIL.

Voici les mots cités par le groupe : travail forcé – galère – toujours – horaires – fatigue – stress – chômage – syndicats – difficultés – recherches – santé – vacances – Pôle Emploi – salaire – reconnaissance – incertitude – équipe – camaraderie – isolé – job d’été – qualité – loin – mobilité – formation – logement – indépendance – épanouissement – patron – hierarchie – promotion – travail étudiant – respect – vis collective – vie sociale – monotone.

A partir de ces mots et des témoignages, 3 groupes se sont réunis pour échanger et « approfondir » le sujet. Nous avons remis à chacun le « Parlons-en » sur le travail. L’objectif : revenir en grand groupe avec une phrase « clef » qui synthétisait les échanges.

Résultats :

- Un travailleur vaut plus que tout l’or du monde car il est fils de Dieu.

- L’homme devrait compter plus que l’argent

- C’est ma foi en l’homme qui renforce ma Foi en Dieu

- C’est moins évident d’être syndiqué en tant que femme dans certains boulots

- Ne plus avoir honte de nos bonheurs. Continuer à les partager, sans excès, sans les censurer pour autant pour les autres et pour nous : le bonheur des uns fait le bonheur des autres.

- Evolution du travail. Isolement. Malgré les évolutions positives matérielles, l’isolement augmente et les conditions de travail se détériorent du point de vue de la productivité, de la pression et du respect des travailleurs.

- Quand les choses se compliquent, on ressent encore plus l’isolement.

Nous avons lu une parole du mouvement « La vie est inestimable » et chanté un chant ACO « tu es un homme » pour conclure les échanges.

La fin de l’après midi a été clôturée par un partage et des échanges libres autour d’un café…

Bilan de l’équipe :

Mauvais points pour l’organisation dans la préparation : pas assez précis ni clair dans le qui fait quoi en amont de la rencontre. L’équipe ne s’est pas trouvée au complet depuis la décision et le début du travail sur l’idée du projet. Un autre mauvais point pour les invitations : nous avons eu peur d’avoir trop de monde et de ne pas « assurer », alors on a freiné sur la distribution de nos invitations : résultats pas de difficultés mais peu de participants…

Bons points pour la construction du projet de l’idée de base à la réalisation. Autre point positif : la rencontre a été bien vécue par tous. Un temps convivial, une place donnée à chacun, un temps de partage enrichissant jusque dans les carrefours. Une découverte de richesses dans le remue méninges…

Quelles suites ? Comment faire partager le bénéfice de notre expérience ? Faire savoir aux autres équipes ce que l’on a fait… Demander au CS de diffuser le compte-rendu aux responsables d’équipes, diffusion sur le blog …

L’équipe ACO à l’initiative et à la réalisation de ce projet est composée de : Joseph et Monique BOËNNEC, Gérard MAHE, Marie PLAISANCE, Florence et Hervé VILLA, Gisèle et Pascal GUIHARD, Nathalie et Jean-Marie CLOCHARD, accompagnée par Pierre OUISSE.


Témoignage de Hugo pour les – de 30 ans :

Je viens de trouver mon 1er boulot. Arrivé à Rennes en septembre, je fais 3 agences d’intérim et la 3ème me propose un poste d’agent de production en usine : un emploi chez un sous-traitant de La Poste. Je dois mettre sous plis des revues pour en faire des lots. Tout ça en 3X8. Je commence par un poste de nuit. Sur place, un des patrons qui a lu mon CV me dit qu’ils recherchent un agent de maintenance industrielle pour un contrat long (ce qui correspond à ma formation) et que mon profil les intéresse. Je passe 2 entretiens et je suis pris sur le poste en intérim jusqu’à fin décembre, puis en CDD 6 mois et si tout va bien un CDI à suivre. Mes collègues sont des jeunes et il y a une vraie solidarité dans cette petite boîte. Je m’y sens bien.

Témoignage de Catherine pour les 30 – 60 ans :

A mon entrée à l’ANPE, j’étais agent administratif. Mon travail consistais à traiter les courriers des demandeurs, le suivi administratif de la demande d’emploi, les commandes pour le site, la gestion des absences du personnel… Je faisais ce travail en duo avec une autre collègue et les tâches étaient réparties entre nous deux, tout ça hors du public.

Depuis 2009, la fusion entre ANPE et ASSEDIC (Pôle Emploi), les sites ont été regroupés et le personnel aussi. Je suis toujours sur un Pôle administratif je suis supervisée et j’appartiens à une équipe de personnes gestions des droits (ex ASSEDIC) ce qui n’est pas simple car ils ne connaissent pas le contenu de mon travail et je me retrouve sans personne responsable de référence en cas de gestion difficile de dossiers. Je suis donc isolée d’autant plus que mes collègues me font ressentir mon choix de temps partiel et donc de mes absences…Mes relations avec ces collègues sont donc difficiles et je me sens de plus en plus isolée du collectif de cette équipe.

J’ai le sentiment de me plaindre souvent… exprimer cette souffrance au boulot n’est pas facile. J’ai des contacts avec d’autres collègues mais nous ne parlons pas beaucoup de notre travail car notre métier est différent : ils reçoivent du public et leurs rôles ne sont pas les mêmes.

Aujourd’hui j’ai fais des choix. Tout d’abord de reprendre un engagement syndical pour partager et vivre des temps collectifs avec d’autres personnes qui sont aussi des collègues, hors de mon lieu de travail. Prendre du recul m’est devenu nécessaire, d’autant plus que je serai à la retraite dans 3 ans et que je ne veux pas me ruiner la santé avec des soucis de boulot.

Ce sont ces choix et cette perspective qui me font avancer au travail aujourd’hui.

Je mise sur cet engagement pour m’aider à relativiser ce que je vis au quotidien et je crois que je fais un bon choix, un choix qui me ressemble et dont j’ai besoin…

Témoignage de Pascal pour les 30 – 60 ans :

Bonjour je m appelle Pascal je travaille dans le transport poids lourd depuis

septembre 89.

Après une petite partie de chômage durant lequel j ai pu passer mes permis poids lourd je suis rentré dans une entreprise avec 600 employés, à peu près, un groupe, une holding financière disions nous a l’époque et de même maintenant. Un directeur de secteur sur la partie transport fuel camping gaz et butagaz sur Donges et le Morbihan. Un directeur simple et sympa nous nous tutoyions toujours c’était la simplicité, un peu de plaisanteries entre nous. Le vendredi, souvent nous buvions un petit verre tous ensemble et des fois même des repas en fin année entre chauffeurs : nous avions un bon esprit de camaraderie. A la fin de nos « tournées de bouteilles », c’était souvent que nous nous donnions des coups de main pour faire le tri de nos vides et de nos pleines « le ménage » comme ont disait. Cela est terminé aujourd’hui : chacun pour soit. Avec les chauffeurs qui font encore la distribution de bouteilles a la main,

nous avions une bonne ambiance aussi bien avec les secrétaires (arbre de Noël voyage en fin année…).

Aujourd'hui hui ce directeur n’est plus qu’un directeur commercial et n a plus rien à voir avec nous, chauffeurs. Il a été remplacé par un autre qui est arrivé avec une reprise d un autre secteur (la Vendée) : les pots, terminé, il a divisé tout le monde. C’est la course tout les jours. Pour les consignes cela ce fait que par écrit avec des notes sinon il faut que nous lisions nos plannings. Nous n’avons plus de discutions humainement. Il faut faire du chiffre. Ce directeur est parti en retraite et a été remplacé par un jeune qui suit le même chemin : les véhicules tournent sans arrêt. Pour les garages c est tout juste s’il ne faudrait pas que les mécanos soient avec nous ! Pour s’occuper de nos camions c’est le soir après notre tournée qu’il faudrait aller au garage donc des heures à plus en finir et pour récupérer nos heures c est quand ça les arrange ! Les congés c est la croix et la bannière pour les poser…

En 20 ans j ai vraiment trouvé du changement dans l’entreprise !

Témoignage de Thérèse pour les + de 60 ans :

Je suis en retraite d’un poste d’agent de services à domicile et en maison de retraite. J’étais très à l’aise et heureuse dans mon métier car j’aime le contact avec les gens. Il fallait toujours se dépêcher pour pouvoir faire toutes les tâches, on manquait de personnel et de temps pour tout faire aussi bien qu’on aurait voulu. On nous disait que c’était dû à des problèmes de finances. J’aimais ce que je faisais, c’est important, pour les autres et pour soi. Le travail devrait être au service de l’homme et non pas l’inverse.
Mes enfants ont choisi leur formation. Nous parents, on se pose beaucoup de questions. Défendre ce que l’on croit est très dur. Il faut être solide. Aujourd’hui on n’a pas le droit à l’erreur.

Témoignage de Michel pour les + de 60 ans :

L’aérospaciale. En 46, j’ai fait l’école d’apprentissage à l’aviation. J’ai travaillé comme ouvrier (VAP ajusteur). J’ai fait mon service militaire. L’Algérie. Retour en 59. Je suis devenu instructeur et professeur de sport. 72 : contrôleur et technicien de labo. En 89 on me pousse à la retraite.

A mon époque, on entrait dans une entreprise pour toute sa carrière. Des évolutions étaient possibles : ce n’est plus le cas maintenant. On vivait une solidarité dans les équipes. A mon retour d’Algérie j’ai retrouvé un poste mais le travail s’était parcellisé, travail à la chaîne pendant plusieurs années. L’ambiance des équipes avait changée : moins de solidarité. Après les grèves de 55, les patrons ont eu très peur et on accentué la parcellisation du travail. Le travail a été individualisé : chaque gars avait une chose à faire pour l’avion, toujours la même. Certains syndicats étaient les clefs d’entrée dans l’entreprise.

Nos enfants : les parents font des rêves et des projets. Les aléas, les rencontres, leurs désirs et leurs aptitudes… ne coïncident pas toujours avec nos rêves. Je les ai laissé faire leurs choix.

Témoignage de Jojo pour les + de 60 ans :

La Navale. 49 : entrée en apprentissage aux chantiers de La Loire. 53 : Stage en bureaux de dessins puis traceur de coques, tôlerie et préparation tôlerie (intermédiaire entre les bureaux d’études et les ateliers). Parti en 88 : fin de carrière. Chômage jusqu’en 95 date de la retraite. J’ai vécu ces années de travail dans l’ambiance de l’époque : du travail pour tous ! Des grèves aussi ! … Embauches, débauches et des horaires les mêmes pour tous. On allait au boulot en car tous ensemble. : tout cela avec une bonne solidarité (ouvriers, mensuels et syndicats). Nous étions moins stressés que nos jeunes maintenant… Le travail ne manquait pas… Donc des bons souvenirs de ce temps passé au boulot…

Nos enfants : n’ont pas le travail que l’on a rêvé pour eux… un travaille dans la même entreprise, un antre en change vu les conditions demandées et l’autre alterne entre CDD et chômage partiel. Il faut toujours plus de rendement et de rentabilité ; ils sont + ou – stressés ; les perspectives d’avancées et d’avenir sont très minces et très sombres ; ils vivent moins de solidarité dans les actions syndicales par exemple. Maintenant c’est beaucoup du chacun pour soi. Ils ont des difficultés pour faire des projets : enfant, logement…d’où la morosité actuelle.